Le greenwashing a-t-il encore un avenir ?
Dans cette édition, nous accueillons Eric-Jean Pankowski, Directeur Associé X-PM qui nous livre son analyse sur les initiatives en matière de RSE et leur impact sur le greenwashing.
Édito
“L'évolution récente des normes et des initiatives en matière de responsabilité sociale des entreprises (RSE) pose la question cruciale de l'impact sur la communication environnementale et les allégations « légères ». Des cadres tels que la CSRD, le CSDD, les normes de durabilité de l'IFRS (International Financial Reporting Standards), ainsi que l'investissement socialement responsable (ISR), sont-ils susceptibles de sonner le glas de cette communication superficielle ? Il semble que oui, et ce en raison de leur conception globale et exhaustive.
De la taxonomie bancaire aux appels d'offres publics et privés, en passant par l'image de marque (employeur, partenaire, commerciale), ces initiatives placent les entreprises face à l'obligation de transparence et à la confrontation avec la réalité de leur impact environnemental. Si bon nombre de grandes organisations ont déjà intégré des pratiques telles que le bilan carbone et la comptabilité environnementale ainsi que les mesures de risques environnementaux, ce qui change fondamentalement désormais, ce sont trois notions clés : Globalité, Fidélité, Sincérité.
Globalité : Il est crucial de souligner que TOUS les acteurs économiques sont désormais concernés de manière globale par ces normes et ces initiatives.
Fidélité : Les mesures mises en place doivent être fidèles à des normes transnationales précises, ce qui nécessite un niveau élevé de rigueur et de conformité.
Sincérité : Les rapports générés à partir de ces mesures sont ou seront rendus publics, ce qui exige une sincérité absolue de la part des entreprises, puisqu'ils seront sujets à un audit par des tiers indépendants.
Ces changements fondamentaux reflètent une nouvelle ère dans laquelle nous entrons, comme le soulignent les articles ci-dessous. Les consommateurs deviennent de plus en plus exigeants, réclamant des preuves tangibles de l'engagement des entreprises en matière environnementale, comme le montre l'exemple de l'attaque contre Danone concernant la neutralité carbone d'Evian. De même, l'émergence du concept d'entreprise régénérative met en lumière les risques de greenwashing, soulignant ainsi l'importance de la sincérité et de la véracité dans les allégations environnementales.
Face à ces évolutions, les entreprises doivent opérer un changement de paradigme dans leur communication environnementale. Elles doivent désormais s'engager de manière authentique et sincère, en fournissant des preuves tangibles de leurs actions et en se conformant aux nouvelles normes environnementales. C'est ainsi que pourront être rétablies la confiance et la crédibilité dans un paysage où la transparence et la responsabilité sont devenues les maîtres-mots.”
Eric-Jean Pankowski - Directeur Associé Finance et Impact Positif X-PM.
Danone attaqué par des consommateurs sur la neutralité carbone d’Evian : “On est dans une nouvelle ère, celle de la preuve”
“C’est un comble pour une entreprise régulièrement récompensée pour ses engagements climatiques. Danone, entreprise à mission certifiée B-Corp est devenue depuis quelques jours le symbole de la méfiance des consommateurs envers les engagements climatiques des entreprises. Depuis le 10 janvier dernier, le groupe agroalimentaire doit faire face à une action en justice concernant son allégation de neutralité carbone sur les bouteilles d’eau de la marque Evian, propriété de Danone. Les plaignants sont des consommateurs américains qui ont formé une action de groupe, une “class action”.
Selon l’agence de presse Reuters, les consommateurs affirment qu’ils n’auraient pas acheté de bouteilles d’Evian s’ils avaient su que le processus de fabrication de Danone permettait le rejet de CO2 dans l’atmosphère ou entraînait d’autres formes de pollution. Depuis 2020, Evian est en effet certifiée neutre en carbone, c’est d’ailleurs la première marque du groupe à l’avoir été, et ce par le cabinet Carbon Trust. Mais le mécanisme permettant cette atteinte de la “neutralité carbone” repose sur de la compensation carbone. Concrètement, Danone achète des crédits carbone via la plantation d’arbres ou la production d’énergies renouvelables par exemple, pour compenser les émissions qu’il émet.
“On est dans une ère nouvelle, l’ère de la preuve. Il n’y a que la preuve qui est transformative, on a passé l’ère de la RSE (responsabilité sociale des entreprises, NDR) des beaux discours”, tranche Sabine Maréchal, experte en transformation et fondatrice de l’institut de recherche, conseil et formation Les Humains.
La pression est telle que plusieurs groupes ont décidé de faire marche arrière. EasyJet, Gucci, Nestlé…, les entreprises préfèrent désormais se détourner des allégations de neutralité et de la compensation carbone. Si aux Etats-Unis, les plaintes sont portées via des class action, en Europe, le cadre réglementaire évolue, accentuant encore plus la pression. Ainsi, d’ici 2026, les entreprises ne pourront plus utiliser des allégations de neutralité carbone à moins qu’elles ne puissent prouver que ces allégations sont exactes. La version finale de la directive a été approuvée ce mercredi 17 janvier. C’est la réglementation anti-greenwashing la plus ambitieuse au monde. “Nous mettons fin au chaos des revendications environnementales”, s’enorgueillit ainsi le député socialiste Biljana Borzan lors de l’adoption de la directive.”
Retrouvez l’article de Novethic dans son intégralité ici.
Helios, Green-Got… Les « néobanques vertes », vraiment écolos ou greenwashing ?
“En un an, les émissions de gaz à effet de serre issues des activités de financement et d'investissement des six principales banques françaises - BNP Paribas,Crédit Agricole,Société Générale, BPCE, La Banque Postale et le Crédit Mutuel - ont atteint plus de 3,3 milliards de tonnes équivalent CO2, soit 7,9 fois les émissions totales de la France, révèle le rapport d'Oxfam « Banques : des engagements à prendre au 4e degré », publié en 2022.
Bousculant le secteur, Helios (depuis 2020) et Green-Got (depuis 2022) assurent à leurs clients que leur argent (dans les comptes courants à 6 euros par mois, voire dans leurs assurances-vie - opérées pour Helios en collaboration avec le spécialiste Goodvest) sert la transition écologique, tout en garantissant des outils numériques faciles d'utilisation (comme le calculateur d'empreinte carbone à chaque achat sur appli bancaire). Symbole de leur engagement, toutes deux vont jusqu'à proposer une carte bancaire en bois et plastique recyclé.
Qu'est-ce qu'une « néobanque » ?
Ce sont des entreprises qui fonctionnent comme des banques mais qui n'ont pas l'agrément « établissement bancaire » délivré par la Banque de France. Il s'agit de sociétés financières qui offrent des services dématérialisés sur le web ou une appli dont les fonds sont placés chez de « vraies » banques (c'est-à-dire avec agrément). Les néobanques ne sont techniquement pas… des banques, souligne la Banque de France.
Au-delà de cette carte boisée, ces néobanques sont-elles vraiment aussi vertueuses qu'elles le prétendent ? Comme ce ne sont pas des établissements bancaires à proprement parler (voir encadré ci-dessus), ces deux start-ups s'appuient sur des partenaires bancaires (en l'occurrence des banques agrémentées) pour offrir leurs services à leurs clients. Or, « il est très difficile de s'assurer du cloisonnement des fonds entre un acteur et son partenaire bancaire, et donc de leur fléchage », avertit l'Ademe. Maîtriser ce fléchage est donc le défi numéro un de ces « néobanques » pour avoir la confiance de leurs clients et du secteur.
Le fléchage des fonds, un enjeu crucial
Tentons donc de regarder, au cas pas cas, où va l'argent qui leur est confié. Celui que gère Helios est confié à Solaris Bank, une banque allemande. Selon le contrat qui les lie, cet établissement s'engage à flécher 40 % de ces fonds vers des obligations vertes pour financer des projets qui contribuent à accélérer la transition énergétique et les 60 % restants sont déposés à la banque centrale allemande (ce qui est réglementaire). Grâce à ses engagements contractuels, Helios est aujourd'hui « la seule qui semble capable de garantir un contrôle des fonds déposés auprès de son partenaire », juge l'Ademe qui tient à rappeler qu'elle n'a pas vocation « à classer les acteurs » mais « à informer les clients ».
De son côté, Green-Got cantonne 100 % des comptes courants de ses clients à la banque française Crédit Mutuel Arkea, une alternative aux banques traditionnelles jugée responsable par l'ONG Reclaim Finance. De fait le Crédit Mutuel Arkea a récemment exclu de ses activités de financement « tous les projets de production (exploration et extraction), de transport, de stockage ou de transformation d'énergies fossiles, les projets de centrales à charbon ainsi que les entreprises qui les développent », peut-on lire sur le site de l'ONG baptisé « change-de-banque.org » mis en ligne à l'automne 2023. Interrogée sur le sujet, l'Ademe en revanche n'a pas émis d'avis sur cette néobanque.”
“Cet article bien que captivant, mérite une analyse approfondie, car il omet, me semble-t-il, quelques aspects essentiels tout en soulevant des questions pertinentes.
On ne peut, en effet pas faire, ni de lien direct, ni d’étanchéité parfaite, entre les dépôts de clients privés dans une banque et les crédits que celle-ci (ou une autre) accorde au secteur des énergies fossiles. De la même manière qu’on ne peut jeter l’opprobre sur une compagnie pétrolière seule, aussi longtemps qu’on utilise une voiture (même à moteur électrique) ou des objets en plastique.
Dans une économie moderne sophistiquée, les acteurs sont tous interconnectés ; croire qu’on puisse se satisfaire de déposer son argent dans une banque « hors fossile » est à mon sens un leurre, mais si çela peut faire du bien au moral, alors Helios, Green Got, la NEF ou la Banque postale, savent répondre au besoin.
Il est important de prendre conscience que ce choix a un impact écologique relativement mineur ou insignifiant tant que d'autres habitudes liées aux énergies carbonées ne sont pas abandonnées (dont la viande de bœuf).
La transition vers une économie décarbonée nécessite à la fois des actions individuelles et des changements à une échelle plus large, nationale ou européenne. La CSRD est un bon exemple d’une politique à vocation systémique : on mesure dans le détail, puis on agit, globalement.”
Olivier de Montety - Directeur Associé Services financiers, RSE et services environnementaux chez X-PM.
Retrouvez l’article des Echos dans son intégralité ici.
[Décryptage RSE] L’entreprise régénérative : attention, vague de greenwashing en vue
“L’entreprise régénérative est le nouveau terme à la mode. Et si le concept semble intéressant sur le papier, le manque de définition scientifique ou méthodologie d’évaluation fiable pose question. Autrement dit, l’entreprise régénérative risque bien de devenir un énième prétexte au greenwashing si aucun cadre réglementaire ne vient le définir.
L’idée de l’entreprise régénérative est simple : les entreprises ne devraient pas seulement réduire leurs impacts négatifs, mais aussi transformer leurs modèles d’affaires de manière à créer des “impacts positifs”, à “régénérer” les écosystèmes, ou la société. Sur le principe, les tenants de l’entreprise régénérative ambitionnent d’aller encore plus loin que la RSE (Responsabilité Sociale des Entreprises), qu’ils jugent insuffisante pour répondre aux enjeux écologiques et sociaux. Mais à l’heure actuelle, il s’agit surtout d’un concept flou.
Beaucoup utilisent au contraire le terme “régénératif” comme synonyme de “compensation écologique”, et prétendent “régénérer” en plantant des arbres ou des haies. Objectif affiché : préserver la biodiversité, lutter contre le réchauffement climatique et la désertification des sols, retenir l’eau. Pourtant, ces techniques de plantation ont leurs limites, et leur efficacité est controversée dans le monde scientifique. Christophe Sempels rappelle à ce sujet que “ces méthodes consistent souvent à compenser ses impacts en signant des chèques, sans savoir ce qui se passe derrière, avec des organismes de certification pas à la hauteur. Ce n’est pas du tout efficace, ça ne questionne pas le modèle économique. Il faut un cahier des charges strict, et des méthodes“.
Il semble donc nécessaire de trouver un cadre normatif à ce terme pour éviter les dérives. Des chercheurs du Maastricht Sustainability Institute alertaient eux-aussi en mai 2023 du risque d’une “nouvelle forme de greenwashing” autour du régénératif. Surtout, ils rappelaient que “les entreprises ne peuvent pas être régénératives seules” et que l’économie régénérative ne pourra exister que grâce à des “politiques ambitieuses” et “un cadre législatif fort, qui inclut le devoir de vigilance sur la chaîne de valeur, un vrai prix sur les dégâts environnementaux, et des droits pour la nature“. Leur recommandation : établir rapidement un vrai cadre, des “standards et lignes directrices […] permettant d’analyser minutieusement les allégations des entreprises” sur ce thème.
Autrement dit, respecter le cadre réglementaire de base que constitue la directive sur le reporting de durabilité des entreprises (CSRD), le devoir de vigilance, la prise en compte des normes environnementales et sociales ou le partage de la valeur serait un préalable indispensable avant “l’entreprise régénérative”. La plupart des entreprises en sont très loin, y compris parmi celles qui communiquent d’ores et déjà sur ce thème. En attendant, les allégations autour du régénératif risquent bien d’être le prochain greenwashing à la mode, après celui sur la neutralité carbone.”
Retrouvez l’article de Novethic dans son intégralité ici.
Et sur le chemin…
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