L'adoption de la CSDDD : une délivrance mais une ambition amoindrie
Dans cette édition, nous accueillons Olivier de Montety, Directeur Associé Services Financiers et Impact Positif X-PM qui nous livre son analyse sur les dernières actualités au sujet de la CSDDD.
Édito
“L'adoption du projet sur le devoir de vigilance des entreprises (CSDDD) a été marquée par une touche de tragicomédie. Initié par la Commission européenne et la commission de l'environnement du Parlement européen, ce projet a suscité de nombreux débats, sur l’ampleur des obligations pesant sur les entreprises. Étonnamment, bien que précurseur en la matière, la France a freiné le processus, mettant en évidence les complexités de la prise de décision au sein des institutions européennes.
Le projet, initialement approuvé par la Commission et le Parlement, s'est vu dilué après le rejet de certains États, soulevant une interrogation fondamentale : vaut-il mieux une directive atténuée, amoindrie, ou pas de directive du tout ? À mon sens, même édulcorée, elle constitue une avancée significative, témoignant de l’engagement européen vers une responsabilité accrue des acteurs économiques. Cela laisse la voie ouverte à des améliorations futures, signe d'une Europe en mouvement.
L’objectif de la CSDDD est de garantir que les entreprises exercent une diligence raisonnable dans leur chaîne de valeur, chez leurs sous-traitants, leurs distributeurs et leurs transporteurs, en veillant notamment au respect des droits des travailleurs et des normes environnementales.
Nous observons en effet une évolution des réglementations (taxonomie, SFDR, CSRD, CSDDD) visant à responsabiliser les entreprises et les investisseurs tout au long de leur chaîne de valeur. C'est une démarche qui mérite d'être saluée, d'autant plus que si l’Union Européenne, avec ses 450 millions de consommateurs, prend les devants, d'autres grandes économies pourraient suivre.
Cette directive ne s'applique qu’aux grandes entreprises, et bien que cela puisse sembler limité, c'est un premier pas significatif. Il reste envisageable qu'à l'avenir, elle soit étendue aux PME et ETI. Bien que seules 0,5% des entreprises soient concernées, il s'agit des plus grandes entreprises qui ont un impact majeur sur l'économie et l’environnement et qui sont susceptibles de faire appel à de la sous-traitance à l’international à bas prix.
La directive CSDDD vise à encourager des pratiques d'affaires éthiques, en particulier dans les régions à faible coût de production, en exigeant des entreprises européennes qu'elles respectent à minima les normes sociales, environnementales et les droits des travailleurs des pays concernés. En outre, elle s'attaque à des enjeux précis, comme la prévention du travail forcé, notamment celui des Ouïghours en Chine et du travail précaire au Bengladesh, assurant ainsi que les entreprises n'entretiennent aucun lien avec des pratiques abusives. Ces mesures marquent une avancée significative vers une économie globale plus responsable, témoignant d'un mouvement vers une mondialisation plus éthique et plus durable.”
Olivier de Montety - Directeur Associé Services Financiers, Développement Durable et Impact Positif chez X-PM.
CSDD, loi française : tout comprendre au devoir de vigilance
“Dans les 10 dernières années, plusieurs catastrophes liées à l’industrie de la mode comme l’effondrement de l’immeuble d’ateliers de confection de vêtements Rana Plaza en 2013 ou les révélations de travail forcé des Ouïghours à partir de 2018 ont accéléré le développement d’une définition légale du devoir de vigilance.
La France a été parmi les premiers pays à légiférer sur le devoir de vigilance. La loi n°2017-399 « relative au devoir de vigilance des sociétés mères et entreprises donneuses d’ordre », publiée en 2017, impose ainsi aux entreprises la mise en place d’un plan de vigilance envers les atteintes graves aux droits humains et aux libertés fondamentales, à la santé et la sécurité des personnes, et à l'environnement.
Ce plan, qui doit être rendu public, comprend cinq mesures :
Une identification et hiérarchisation des risques,
Une évaluation régulière des filiales, sous-traitants et fournisseurs de l’entreprise,
Des actions d’atténuation des risques ou de prévention des atteintes graves,
Un mécanisme d’alerte et de signalement des risques,
Un suivi constant des mesures et une évaluation de leur efficacité.
Une des évolutions majeures résultant de cette loi est l’application du devoir de vigilance non seulement aux entreprises et à leurs filiales, mais aussi à leurs fournisseurs et sous-traitants avec qui ils entretiennent une « relation établie ».
La loi s’applique aux sociétés et groupes :
D’au moins 5000 salariés si le siège social est en France,
D’au moins 10 000 salariés si le siège social est à l’étranger.
Le champ d’application des mesures définies dans cette loi sera cependant bientôt largement élargi grâce à leur reprise dans la directive européenne sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité.
Si une entreprise n’a pas publié de plan de vigilance conforme aux exigences de la loi, tout membre de la société civile (organisation syndicale, salarié, ONG…) peut la mettre en demeure afin de l’enjoindre à respecter ses obligations sous 3 mois. Si 3 mois après avoir été mise en demeure, l’entreprise ne s’est toujours conformée pas à la loi, le juge peut être saisi et la condamner à verser une somme d’argent par jour de retard.
Directive européenne sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité (CSDD)
La directive européenne sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité s’inspire largement du devoir de vigilance inscrit au droit français en 2017, et le précise. Elle définit la notion d’incidence négative sur les droits de l’homme et l’environnement, et impose aux entreprises d’intégrer une politique de devoir de vigilance dans leur stratégie.
Après négociations en « trilogue » entre parlement, commission et conseil européens, un accord provisoire a été signé le 14 décembre 2023, sur une version définitive du texte. Cette version doit désormais être adoptée formellement par chaque institution avant entrée en vigueur du texte.
A qui s’applique la directive européenne CSDD ?
La directive distingue les entreprises établies dans l’union européenne et celles établies en dehors. Pour les entreprises établies dans l’UE, les entreprises concernées sont beaucoup plus nombreuses que celles concernées par la loi française.
Les entreprises établies hors de l’UE sont concernées lorsqu’elles réalisent dans l'UE un chiffre d’affaires supérieur à 150 millions d’euros.
Comment l’application de la directive européenne CSDD sera-t-elle contrôlée et quelles sanctions sont prévues ?
Chaque État membre de l’UE va désigner une autorité de contrôle indépendante compétente sur son territoire national, qui agira en réseau avec les autorités de contrôle des autres pays européens. Les sanctions en cas de non-conformité seront elles aussi déterminées individuellement par les États.
En cas d’incidence négative sur les droits de l’homme ou l’environnement, les entreprises seront jugées en fonction de la proportionnalité des mesures de prévention, d’atténuation ou de réparation prises par rapport aux circonstances (taille de l’entreprise, secteur, longueur de la chaîne de valeur, ressources disponibles…).”
Retrouvez l’article de Trace for good dans son intégralité ici.
Enterrement du projet de devoir de vigilance des entreprises : l'insoutenable légèreté de l'Europe
“Le projet de directive sur le devoir de vigilance (CSDDD ; Corporate Sustainability Due Diligence Directive) vient d’être enterré à Bruxelles, car 14 pays, dont la France, ont considéré que prévenir les atteintes à l’environnement et aux droits de l’Homme sur toute la chaîne de valeur des entreprises n’était pas une priorité. Dans la même semaine, l’Agence Internationale de l’Énergie (AIE) annonce que les émissions mondiales de CO2 liées à l'énergie ont continué de progresser de 1,1% en 2023 pour atteindre un niveau record.
Ceux qui s’opposent à la régulation (CSDDD, CSRD...) considèrent que le "marché" saura apporter les corrections nécessaires pour faire de la transition énergétique, un nouveau projet de société sans contrainte.
Si on considère la clairvoyance comme un point de départ à la responsabilité, on peut s’inquiéter de l’aveuglement des dirigeants. A force de refuser l’obstacle de la sobriété choisie, nous nous dirigeons en chantant vers un effondrement subit. Comme le souligne Stéphane Foucart dans un article du Monde du 2 mars : "La transition énergétique, ce n’est déjà plus la promesse d’éteindre l’incendie qui se propage dans la maison, mais tout juste de sauver quelques meubles". En effet, la réalité scientifique est implacable, le budget carbone de l’humanité pour espérer contenir d'ici à 2100 le changement climatique dans des limites encore supportables, n’est que de six ans au rythme actuel des émissions de GES. Sans correction de tendance aussi spectaculaire qu’improbable, en 2030 nous aurons déjà atteint l’objectif fixé pour la fin du siècle. À ce niveau de surperformance dans l’irresponsabilité, nous nous approchons du net zéro absolu de la lucidité.
En cette année olympique, ces mêmes dirigeants pourront utiliser une métaphore footballistique pour expliquer à leurs enfants le défi qui nous fait face. En gros, à 6 minutes de la fin du match, l’équipe de la science perd 10 à zéro contre celle du cynisme, et sa meilleure joueuse Greta M’Thunberg vient d’être expulsée pour avoir dit la vérité de la science à un arbitre qui peine à cacher sa dépendance aux lobbys. Assisterons-nous malgré tout à une remontada historique ? Rendez-vous en 2030 place des "Droits du vivant", haut lieu du souvenir de la CSDD morte avant d’être née.”
Retrouvez l’article de TF1 dans son intégralité ici.
Compromis de l’UE sur le devoir de vigilance des entreprises
“Après plusieurs retournements politiques, les États membres de l'UE ont finalement approuvé vendredi une réglementation qui oblige les entreprises à vérifier que leurs chaînes d'approvisionnement ne sont pas entachées de pratiques douteuses en matière d'environnement et de droit du travail.
Les députés européens et les représentants des gouvernements avaient conclu en décembre un accord provisoire sur la directive relative à la vigilance raisonnable en matière de développement durable des entreprises. Mais la survie du texte a été remise en cause par les hésitations de dernière minute de l'Allemagne et de l'Italie.
Les défenseurs de l'environnement et la société civile affirment que ces règles empêcheront les entreprises de tirer profit de la souffrance humaine.
La Belgique, qui assure la présidence semestrielle du Conseil de l'UE, s'est efforcée ces dernières semaines d'apaiser les inquiétudes des États membres quant à l'excès de bureaucratie. Dans sa dernière tentative pour sortir de l'impasse, elle propose de fixer le seuil d'application des règles aux seules entreprises dont le chiffre d'affaires mondial est supérieur à 450 millions d'euros.
Le dernier projet a supprimé les dispositions relatives à la responsabilité civile qui auraient permis aux syndicats de poursuivre les entreprises qui ne respectent pas les règles, une mesure controversée à laquelle des pays comme la Finlande se sont opposés. Les règles doivent encore être adoptées par les eurodéputés. Pour être validé sous cette mandature, le Parlement devra se prononcer en avril, date limite avant les élections européennes de juin.
Angelika Niebler (PPE) assure que même atténué, le projet aura toujours un impact indirect sur les petites entreprises et pourraient encourager certaines d'entre elles à se retirer des pays en développement.”
Retrouvez l’article d’Euronews dans son intégralité ici.
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